Le fragile amour de Krishna face à l'énergie destructrice de Civa

Publié le par Léonard Jaillet

Traversée de la frontière Vietnam-Cambodge en direction de Phnom Penh, la capitale khmère. Au passage, je pense à bien échanger tous mes Dongs (soussous vietnamiens), parce que le Vietnam interdit l'échange de sa monnaie à l'extérieur. Sont quand même bizarre ces cocos... Dans le bus, je fais la rencontre de Claire, une philippinaise qui est prof d'anglais a Ho Chi Minh et qui fait l'aller-retour une journée au Cambodge pour se faire renouveler son passeport. Elle me raconte sa vie au jour le jour au Vietnam et apparemment, c'est vraiment dur ! Elle est confrontée à une véritable forme de ségrégation. Les vietnamiens font blocs entre eux et essayent de l'exploiter au maximum, ne cherchent pas du tout à l'intégrer. Ca fait un an qu'elle est là-bas et c'est pas la joie. Elle rêve de partir loin. Les Etats-Unis, l'Europe...
Sur le trajet, je découvre aussi mes premiers paysages de campagne cambodgienne. le relief est extrêmement plat, les quelques habitations croisées sont vraiment basiques, maisons sur pilotis à base de bambous ou au mieux de bois. Peu de végétation, des étangs/marais à perte de vue et  je ne sais pas si j'ai faux, mais je vois régulièrement de chaque coté de la route, "des cuvettes" qui pour moi ont tout l'air d'être les cratères laissés par d'anciennes bombes... 

Phnom Penh.
La ville est plutôt belle, avec son joli petit lac où se situe ma guest house et avec les quais de la rivière qui parcourt la ville (un affluent du Mékong),  où il fait bon se poser et prendre un peu la soleil. Visite du palais royal et sa pagode d'argent regorgeant de richesses, contraste frappant face à l'évidente pauvreté du pays. Sinon y a pas à dire, l'architecture Khmer c'est quand même quelque chose... Puis c'est le National Museum qui montre un petit aperçu de l'art Khmer, léger avant goût de ce que je vais voir à Angkor. En chemin, je rencontre un ado cambodgien qui commence à me parler en anglais. Il m'explique que pour lui la vie est très difficile et il me demande s'il ne peut pas venir avec moi en France. Il m'explique comment là-bas, il pourra faire la cuisine et le ménage pour moi, qu'il ne me demandera pas d'argent, que ce sera juste pour lui l'occasion d'apprendre le français et de perfectionner son anglais et ainsi, d'être sur de réussir dans la vie... Argh ! Je me retrouve un peu con là. Je lui dis que ce n'est pas si facile de venir en France, qu'il faut un visa, qu'il faut généralement un travail "sérieux". Bon, a priori tout ça, ça lui passe par dessus la casquette et il est un peu déçu par ma réponse "démagogique"... Oui, je commence à me rendre compte qu'ici il y a vraiment beaucoup de pauvreté et par conséquent de mendicité (spécialement les enfants) et toutes les 2 secondes, des sollicitations. Jusque dans la guest house, où je me sens légèrement traqué, vu qu'à chaque fois que je sors j'ai le droit à un interrogatoire : où allez-vous ? combien de temps ? qu'est ce que vous voulez faire?... tout ça pour aboutir à l'inévitable question : "tuk-tuk sir ?"

A Phnom Penh, je me plonge aussi "doucement" dans l'histoire du Cambodge. Gros plan sur l'immense bordel foutu par le colonialisme, puis la guerre froide, pour aboutir à l' "auto destruction khmère" (paraîtrait qu'il ne faut pas parler de génocide ?! ), perpétrée par Pol Pot et les Khmers rouges. Il y aurait long à dire et comme je suis tout sauf historien je cite juste une phrase trouvée sur wikipedia/Cambodge : "La traque systématique des anciennes élites parlant le français et de ceux qui portent des lunettes, ajoutée aux mines, à la malnutrition et aux maladies aboutit à des massacres de masse et à une catastrophe humanitaire d'origine politique : plus d'un million de personnes sont mortes, soit deux septième de la population totale du Cambodge." Et la, on fait face à une histoire toute récente (en 1979, les vietnamiens envahissent le Cambodge provoquant l'effondrement du régime des Khmers rouges) et  qui marque encore profondément la population même s'il n'est pas facile de le voir au premier abord, protégé que l'on est par ce doux cocon touristique.

Pour me mettre un peu plus dans l'ambiance, je fais la visite du S21, ce musée qui était une prison pendant le régime Khmers-Rouge au sein de laquelle 20 000 personnes ont été torturées et exécutées avec au final seulement 7 survivants ! Là-bas, des récits de vie des tortionnaires et des familles des prisonniers, mais aussi des photos des personnes torturées, les salles de tortures et les instruments utilises et quelques ossements... 

Siem Reap.
Apres 2 jours à Phnom Penh, je file en bus vers Siem Reap, ville à proximité d' Angkor, la mythique ancienne capitale de l'empire Khmer. Au passage, j'ai le droit à une petite scène quotidienne des transports publics cambodgiens : au milieu du trajet, notre chauffeur arrête le bus, nous dit de descendre et d'attendre. Il intercepte un scooter et part avec lui dans la direction d'ou l'on vient. Cinq minutes plus tard, il revient avec une grosse pièce mécanique, genre "très utile" qui s'était cassée et qui était restée en plan sur la route (cf. photos)  bon on est encore en vie, tout va bien...

Arrivée à Siem Reap : la frénésie ! Une 20aine de chauffeurs de tuk-tuks sont là pour nous attendre et essayer de nous embarquer dans leurs engins. Certains tiennent même une pancarte sur laquelle est inscrit le nom de personnes du bus, nom qu'ils ont récupéré par l'intermédiaire des précédentes guest house... Moi j'ai fait l'erreur de ne pas avoir repéré où je voulais aller et comme je suis le seul qui voyage en solo, je suis une proie facile ! Les gars se bousculent pour me récupérer et vraiment c'est la foire. Finalement 2 commencent à me tirer chacun d'un coté par le T-shirt et un troisième commence à prendre mon sac à dos pour le mettre dans son engin. J'aime pas ça  et sissi c'est possible, je m'énerve (un peu !). Bon ça a l'air de les calmer un peu et je finis par monter dans un des véhicules. Comble, quand je demande au chauffeur combien ça coûte, il me dit : " pas de problème, c'est gratuit !". J'essaye de savoir ou est l'arnaque... Et bien y en a pas, c'est bel et bien gratuit ! En fait le mec m'emmène dans son tuk-tuk en espérant d'une part me convaincre d’aller dans une guest house de son choix (histoire de toucher une commission) et d'autre part en espérant être mon chauffeur pour les jours à venir, quand j'irai visiter les temples d'Angkor. A l'arrivée dans ma guest, (après l'avoir forcé à m'emmener dans le quartier de mon choix ! ), je lui donne rendez-vous pour le lendemain soir, en insistant sur le fait que je ne lui promets rien, parce que je ne sais encore ni quand ni comment je vais visiter Angkor... 

Le lendemain, repos et balade dans Siem Reap. La ville est incroyablement touristique, des tuk-tuks drivers tous les 2 mètres, de l'hôtellerie grand luxe et des tarifs souvent épicés, le tout avec des prix en dollars ! Oui, car ici, même si la monnaie officielle est le riel, la majorité des paiements se font en dollars et même les distributeurs desservent du billet vert ! Au cœur de la ville, le ghetto 100% touristes, avec  plein d'enfants qui jouent à fond la carte du misérabilisme et qui te demandent de l'argent toutes les 5 minutes et insistent LOURDEMENT, t'expliquent que c'est pour manger, pour aller a l'école. Je déteste ! 

Le soir, je retrouve mon tuk-tuk driver et lui explique que j'ai pris ma décision : contrairement à ses attentes, j'ai décidé d'aller visiter les temples en vélo. Le mec prends l'air incrédule puis se marre comme une baleine. Ha la bonne blague ! Il m'explique mon pauvre ami que c'est impossible, que c'est beaucoup trop loin. Quand je lui explique que non, que je sais que ça se fait, que j'ai même rencontré des gens qui l'ont fait, il reprend d'un coup son sérieux et m'accuse en me disant que je lui ai fait perdre son temps et son argent et même finalement son emploi (là je suis plus...). Bref, du bonheur.

La suite, c'est deux jours de vélo à fond, à visiter les temples d'Angkor. Lever 5h du mat, et retour à la tombée du de la nuit vers les 17-18h. Une vingtaine de temples en deux jours, certes c'est intense, mais franchement, ça vaut le coup. D'abord le vélo me permet de me dérouiller un peu et puis surtout me laisse la liberté de voir exactement ce que je veux en prenant le temps que je veux. J'achète un petit guide qui me sert de fil conducteur et qui me permet de savoir un peu mieux ou regarder. Le matin et le soir, le soleil rasant illumine les temples et... c'est beau :).  Quand on sort des principaux monuments on se retrouve facilement tout seul, plonge dans un autre monde. Ces temples sont en fait les palais des dieux et n'ont pas été conçus pour abriter des humains. Leur architecture est censée refléter l'univers. Au cœur, le mont Meru, centre du monde, entoure par l'océan primordial... Des multitudes de statues, de fresques... Voyage au cœur de l'hindouisme et du bouddhisme (les 2 influences fusionnes parfois de façon assez curieuses). On se retrouve en compagnie de Vishnu,  Civa, Bouddha... Visite bien sur d'Angkor Vat, qu'ici les gens appellent la 8ème merveille du monde. C'est effectivement incroyable, immense, un temple montagne que l'on gravit avec peine et sur les cotés, de fabuleuses fresques. Ma préférée : le mythe de la création de l'univers avec le "battage de la Mer de Lait". Si je cite mon bouquin, ça donne ça : "en tirant tirant tour a tour sur le corps du Naga Vasuki (serpent géant maître des eaux et de la terre) qui est enroulé autour du mont Mandara, les dieux et les asura (démons se font bernes par les dieux) font tourner la montagne pendant 1000 ans pour baratter la mer cosmique et produire de cette façon l'Amrita, la liqueur d'immortalité." ça pète non ? Malheureusement, on peut voir aussi que la majorité des sites ont pas mal souffert de leur réputation et de nombreuses statues/pierres ont été vandalisées ou volées. Il parait que ça va mieux mais qu'un temps certains collectionneurs pouvaient aller jusqu'a choisir une antiquité sur catalogue avant que celle-ci soit tranquillement piquée sur le site.

Donc bon, Angkor, c'est géant et faut y aller. Mais toujours le même problème : impossible de s'arrêter autour d'un lieu un peu populaire sans se faire sauter dessus par une multitude de vendeurs qui se battent pour être celui qui te proposera en premier et sur un ton suppliant, voir larmoyant à boire ou à manger. Et encore partout, des enfants qui te suivent pour te vendre des bracelets, des bouquins ou qui simplement te demandent un dollars. Une scène qui pour moi résume le tout : dans un temple, un petit gamin de 4-5 ans mignon tout plein a l'air de se faire dorer au soleil sur une pierre sculptée de 5000 ans. Ho la belle scène pittoresque ! Un groupe d'américains voient le spectacles et décident de prendre le gamin en photo, puis de se prendre en photo avec lui. Avant de partir, ils lui demandent tout sourire s'il veut un dollar. Lui accepte, tu parles. Le groupe repart tout content de leur BA. Le gamin guette, attend que le groupe made in US soit hors de vue et hop, il sort de sa poche une liasse, compte combien il a de billets et rajoute celui qu'il vient de gagner, puis vite vite, reprend la pose juste avant l'arrivée du nouveau groupe. Très professionnel !! 

Le lecteur avisé aura remarque que, a certains égards, j'ai pu avoir quelque mal avec certains aspects de mon séjour cambodgien.. Apres seulement 8 jours dans le pays, alors que je comptais y passer un petit mois, je décide de m'exiler. Je me rencarde vite, vite pour un billet d'avion direction Laos ! 

Voila, dernière soirée au Cambodge. Le soir, je discute avec une femme qui bosse dans ma guest house. Elle s'étonne que je reste si peu de temps dans son pays alors que je planifie de rester un mois au Laos. Je lui explique ma saturation vis à vis de la logique "touriste = portefeuille ambulant", ma fatigue vis à vis de la mendicité des enfants et sur le fait que je trouve qu'ici tout est trop cher. Elle a l'air de largement me comprendre, me dit qu'effectivement la vie ici ça devient de la folie, que dans les petites villes et notamment d'où elle vient, les mentalités sont bien différentes... Un gars à coté qui regarde les infos à la télé me prend à partie en m'expliquant que le gouvernement est complètement corrompu, m'explique que l'argent d'Angkor revient à des compagnies japonaises au lieu de revenir au peuple cambodgien.. Il aura fallu attendre le dernier moment pour rencontrer des gens sympas et avoir des discussions intéressantes ! Bon au moins je quitte le pays sur un bon point...

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F
Bon ben apparemment le Cambodge c'est bien surtout quand on en part ;) <br /> <br /> En tout cas bonne fetes a toi en te souhaitant encore plein de decouvertes (bonnes ou moins bonnes car c'est ca qui fait un voyage interessant) pour la suite
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